Monographie de l’instituteur Adoue en 1885

Monographie de l’instituteur Adoue en 1885

 

En 1885 l’instituteur du village ,Monsieur ADOUE , écrivit une monographie de la commune de Montbrun Bocage .

Cette description probablement subjective nous donne un aperçu particulièrement intéressant de la vie de la commune à cette époque .

 

Titre 1er.

Situation géographique ; limites ; étendue ; distance aux chefs-lieux du canton, de l’arrondissement, du département ; description physique du pays : relief du sol : montagnes, nature des roches qui les constituent ; curiosités naturelles ; richesses du sol ; cours d’eau, leur débit, leurs crues, gués, canaux, lacs.

Eaux potables.

Sources thermales et autres ;                                                                             

    Leur débit ; leurs propriétés; stations thermales ; leur fréquentation.

Altitude ; climat ; vents ; pluies ; température : salubrité.

La commune de Montbrun est située sur le versant septentrional des Pyrénées centrales, au midi de la ville et commune de Montesquieu-Volvestre.

Elle est à quatorze kilomètres du chef-lieu du canton, à 45 de celui d’arrondissement et à 65 du chef-lieu du département.

Cette commune ne devrait point appartenir à la Haute-Garonne, mais bien au département de l’Ariège, attendu qu’elle est entourée par les communes ariégeoises. Une bande de terrain la relie à la commune de Montesquieu par le nord-ouest.

Montbrun est borné au nord par La bastide-Besplas, Fornex et Montesquieu-Volvestre ; au midi, par Mauvezin, Camarade et Mérigon ; à l’est, par Daumazan et Montfa ; à l’ouest, par Sainte-Croix.

Son étendue est excessivement vaste ; elle ne comporte pas moins de quatre mille hectares, ainsi divisés :

1° Terres labourables (en ha)                                        1800.

2° Vignes                                                                       400.

3° Prés                                                                           600.

4° Bois                                                                         1200.

                        Total                                                    4000.              

 Son aspect est varié ; on y voit trois vallées, séparées par des collines et des montagnes. Tout est différent dans chacune d’elles : terrain, végétation, cultures.

La commune est protégée par une ramification de montagnes, allant de l’est à l’ouest. Leur altitude varie entre 300 et 400 mètres ; elles sont toutes d’origine volcanique et neptunienne à la fois. En labourant le sol des régions élevées on trouve de nombreux coquillages marins. Du penchant de nos montagnes jaillissent des fontaines dont les eaux sont ferrugineuses et aussi un peu sulfureuses. Elles sont très potables, mais pas assez puissantes pour être utilisées par la médecine.

L’étendue de la commune est découpée par trois lignes de coteaux cultivés, allant de l’ouest à l’est, en formant trois vallées.

Dans la première se trouvent le village de Montbrun et quelques hameaux. Le terrain est là ,formé d’humus avec un sous-sol argilo-calcaire. Il est fécondé par les eaux du petit ruisseau de Montbrun et ses deux affluents, le ruisseau de Galié et celui de Montfa. Après avoir rafraîchi la patrie qui lui donne la vie, il va grossir les eaux de l’Arize à Daumazan. Son débit n’atteint guère plus de 50 litres par seconde, durant neuf mois de l’année. Parfois il a le talent de se métamorphoser en torrent. S’il n’est pas redoutable pour les habitants de sa patrie, il devient l’effroi de ceux de Daumazan, à cause de ses visites importunes.

Les eaux de ce petit ruisseau sont utilisées comme force motrice pour faire marcher sept moulins à farine et une scierie à bois.

En remontant son cours, c’est-à-dire en allant de l’est vers le sud-ouest, la vallée se resserre; elle se ferme entièrement pour se rouvrir et donner naissance à une nouvelle vallée. Là, tout change d’aspect : aux riants coteaux de la première, succèdent des collines stériles, où la végétation est rabougrie. Le sol lui-même est assez impropre à la grande vie végétale. Cette région porte le nom de Bocage. La disposition des lieux, la nature du sol et la végétation, lui ont mérité ce beau nom, dont seraient jaloux les Vendéens.

Je ne puis passer sous silence la belle forêt de Montbrun, complantée  de sapins dont le bois est aussi prisé que le nerva des bords de la Manche.

Signalons en outre, dans cette région, quelques grottes qui n’excitent pas la curiosité par d’admirables stalactites, mais parce qu’elles ont donné plus d’une fois asile à l’homme, quand il partageait le repaire de la brute.

La troisième vallée est appelée Rivière-de-Paris. Elle prend naissance à la forêt pour se continuer jusqu’aux territoires de Daumazan et de La bastide-Besplas.

Le sol est tantôt argilo-calcaire, tantôt silico-argileux. Il est très fertile. Un ruisseau la parcourt du sud-ouest à l’est. Ce petit cours d’eau est d’un faible débit ; la moitié de l’année, il est entièrement à sec ; durant trois mois, son débit peut être calculé à raison de 15 litres par minute ; pendant les trois mois restant, il se métamorphose en véritable torrent. C’est alors qu’il est préjudiciable aux riverains. Rien ne saurait lui résister ; aussi, ne respecte-t-il absolument rien dans sa course folle. Il reçoit, sur sa rive gauche le ruisseau d’Argain. Leurs eaux sont utiles pour l’abreuvage des animaux.

Parmi les sables charriés par ces deux cours d’eau, on trouve de nombreuses paillettes d’or. J’ai vu moi-même un orpailleur vendre pour quarante francs de poudre d’or à un bijoutier de Toulouse

La commune de Montbrun est située à 280 mètres d’altitude. Son climat est assez tempéré ; malheureusement, durant les journées chaudes de l’été, l’air s’y renouvelle difficilement, à cause des montagnes qui l’enserrent. Le manque d’eau et l’épaisse atmosphère que nous respirons en été, causent parfois des épidémies. Depuis plus de deux ans, les maladies contagieuses y règnent continuellement. Sur 48 décès survenus en 1884, on peut en attribuer 25 aux diverses épidémies.

Les pluies y sont assez fréquentes, les chaleurs, parfois trop tempérées.

Les orages nous visitent plusieurs fois par an. Annuellement, une partie de la commune est victime de ce fléau.

Ils nous viennent tous de l’océan, suivent la chaîne des Pyrénées, et vont se perdre dans la Méditerranée.

Titre 2e.

 

Chiffre de la population d’après le recensement de 1881. Ce chiffre tend-il à diminuer ou à s’accroître ? Causes. Division en sections, hameaux, quartiers. Population approximative de chaque groupe, nombre de feux. Organisation municipale, fonctionnaires municipaux et autres. Comment la commune est-elle desservie pour les cultes, les finances, les postes et télégraphes

 Le recensement de 1881 accuse une population totale de 1350 habitants.

En 1872, le nombre d’habitants était de 1520. La différence s’élève à 170.

Notre population a diminué annuellement de vingt personnes. Cette proportion se conserve encore aujourd’hui.

La population de Montbrun est presque entièrement agricole. Elle se divise en trois parties :

1° Habitants exploitant le sol dont ils sont propriétaires.

2° Habitants exploitant le sol qu’ils possèdent et travaillent aussi pour autrui moyennant un salaire journalier.

3° Habitants exploitant le sol comme colons, fermiers ou maîtres valets.

Cette dernière catégorie constitue la population flottante de la commune. C’est chez les gens de la deuxième que s’exerce l’émigration. Ceux-ci, ne trouvant pas dans la commune un travail assuré, vont chercher ailleurs le pain indispensable à leur existence. Cet état de choses est dû au manque d’industrie locale et à l’ineptie de nos administrateurs, qui n’ont jamais rien fait pour améliorer le sort de l’ouvrier et la situation physique de la commune.

Nous possédons encore des ouvriers d’art : charpentiers, maçons, charrons, serruriers, marchands-tailleurs, tisserands, que les communes voisines nous empruntent. Cette catégorie comprend cent individus environ.

Notre village comprend une agglomération et au moins 75 petits hameaux.

La partie agglomérée comprend quatre-vingt maisons et 300 habitants. Autour de cette partie, viennent se grouper les hameaux de Mieil, Saraille, Rachac, Barthe, Le Marneur, Gorry, Fauroux, Lacoueich, Baquemorte, Montaut, Larmissa, Labaquère, Couly, Loubères, Gamas, Barincou, Le Fond du Pré, Pradiolle, Lestanque, Cachauou, La Croix-de-Rame, Barailhas, Massat et Lapasse.

Tous ces petits hameaux et maisons isolées rayonnent autour de leur petite métropole, à une distance moyenne de dix huit cents mètres.

La Rivière de Paris comprend environ soixante maisons et une population de trois cents habitants. Comme la partie que je viens de citer plus haut, celle-ci est formée d’une quantité de petits hameaux. C’est un petit village fort agréable, où règne l’abondance. Le sol y est fertile. Cette vallée est sise à trois kilomètres du chef-lieu de la commune, auquel elle se relie par des chemins affreux.

Le Bocage comprend au moins 400 habitants, répartis dans cent cinquante maisons environ. Cette population habite une multitude de petits hameaux, rayonnant autour d’un point central nommé Turoluret. Les hameaux qui le composent sont : Serny, Matalot, La Sicaude, Pasquet, Le Hajou, Juan-Blanc, Pécoure, Courbère, Bernafort, Bazy, Pave, la Savarite, Panifous, Artigues, Blandy, Quillet, Beauregard, Baratat et Capélé.

Le Bocage est peu fertile, mais il y a autant de ressources que dans les autres parties de la commune. Les bois sont une source de prospérité pour tous les habitants de cette région.

Il est situé à une distance moyenne de quatre kilomètres de la mairie.

Dans la commune, le nombre total de feux s’élève au chiffre de 380.

Nous sommes administrés par un maire, un adjoint et dix conseillers municipaux. Sur ce nombre, quatre appartiennent au village, les autres sont répartis dans les divers quartiers de la commune.

Tous les habitants appartiennent au culte catholique, un abbé est commis à la garde de toutes les ouailles.

La commune de Montbrun fait partie de la réunion de Montesquieu au point de vue des finances à payer au Trésor public. Le percepteur n’a nullement besoin de se rendre dans la commune pour y percevoir l’impôt. Comme il n’y a ici que de très bons payeurs, on le lui porte dans son bureau.

Un facteur part tous les jours de Montesquieu et apporte la correspondance à nos habitants. Sa tâche est lourde, l’on se verra forcé d’établir un poste de facteur local pour assurer la régularité et l’exactitude du service.

Au point de vue télégraphique, nous sommes mieux partagés. Daumazan se trouvant à trois kilomètres de notre localité, nous avons l’avantage de pouvoir expédier ou de recevoir des dépêches presque sans déplacement.

La commune possède 72000 francs placés en rentes sur l’Etat. Elle a en outre, d’autres revenus provenant de quarante hectares de forêt communale.

Comme on n’a presque rien fait dans la commune, les revenus ordinaires suffisent pour parer aux besoins locaux. Il n’y a pas eu d’impôt extraordinaire depuis longues années ; aussi le centime le franc est-il insignifiant. Il s’élève annuellement à 0.3734 pour les propriétés non bâties, et à 0.3728 pour les propriétés bâties.

Les besoins de la population sont assez restreints. Ils se bornent à la construction de quatre maisons d’école, dont deux au chef-lieu de la commune, une au Bocage et une à la Rivière de Paris.

Elle demande surtout qu’on améliore ses voies de communication.

La commune possède un presbytère neuf avec parterre et potager, grande écurie et chai; un cimetière immense, dont le mur de clôture a coûté quinze mille francs.

Les fonctionnaires sont peu nombreux. Un instituteur et une institutrice donnent l’instruction aux enfants de la commune ; deux cantonniers de l’Etat réparent la route de Grande Communication n° 34 ;  un cantonnier communal surveille l’emploi des prestations en nature et en argent ; un valet de ville fait les commissions à Monsieur le Maire.

 

Titre 3e. 

Productions ; quantités ; culture principale ; procédés de culture; bois et forêts ; essences ; reboisement ; produit des forêts ;  régime forestier ; vignes ; phylloxéra ; date de son apparition ; étendue de ses ravages ; animaux ; troupeaux divers ; chasse et pêche.

Produits de toute nature : mines et carrières exploitées ou à exploiter ; usines ; moulins ; manufactures, etc…

Voies de communications : routes; ponts ; époques de leur construction. Voies ferrées et autres moyens de transport ; moyens de communication avec les chefs-lieux du canton, de l’arrondissement, du département; voitures publiques, diligences… Commerce local, mouvement des échanges, foires et marchés. Mesures locales encore en usage

 Le sol de Montbrun-Bocage est très divisé et se compose de bois, vignes et terrains de labour. Cette grande division fait que nous n’avons pas de gros propriétaires ; nous n’avons pas non plus beaucoup de pauvres. Les terres sont bien cultivées ; leur fertilité augmente en raison de leur conversion en prairies artificielles, du fumier qu’on y répand, du marnage et des réparations qu’on y fait.

On sème les diverses qualités de froment, du seigle, de l’avoine, de l’orge, du maïs, des fèves, des lentilles, des pois, des haricots, de la betterave, du lin, du chanvre, des vesces et toutes les graines qui entrent dans la composition des prairies artificielles.

La culture est pratiquée selon les habitudes du pays. On ne peut déroger à cette méthode, les nouvelles ne convenant qu’aux grandes exploitations agricoles. Depuis quelques années, chacun cherche à faire rapporter au sol le plus possible. De là grande émulation dans les soins à donner au sol.

La création des prairies artificielles a produit une révolution dans l’agriculture de notre pays. En même temps qu’elles donnent beaucoup de fourrage, elles amendent le sol en lui redonnant les éléments chimiques que les récoltes lui avaient enlevés. Avec beaucoup de fourrage, on nourrit quantité d’animaux, et l’on obtient ainsi beaucoup de fumier.

En résumé, les terres sont parfaitement soignées. Les bois sont ce qu’ils étaient, il y a vingt ans. Si l’on constate du déboisement, il est survenu naturellement, à la suite des ravines qui ont mis à nu la roche de nos montagnes.

La commune de Montbrun possédait, il y a trente ans, une immense forêt, complantée de magnifiques sapins. Par suite d’une administration indifférente et une surveillance mal exercée, les revenus de cette forêt ne pouvaient suffire à payer les cinq cents francs d’impôt auquel était assujettie la dite propriété, et les trois cents francs qu’on allouait au garde forestier. Elle fut distraite du régime forestier et vendue à une compagnie, qui l’a exploitée de fond en comble. L’Empire, heureux de récompenser les corrupteurs d’élections, donna sans sourciller, l’autorisation d’aliéner le dit immeuble, malgré la vive protestation de 300 habitants. Il y a deux ans, elle est revendue par licitation, et l’un des co-associés s’en est rendu adjudicataire moyennant 6000 francs. la première vente s’étant élevée à 72000 francs, elle a donc subi une perte de 66000 francs en trente années. A côté de cette forêt s’en trouve une autre non moins vaste, complantée d’arbres de même essence, que l’on a dévastée dans ces derniers temps. Elle appartenait au prince de Berghues.

Le vignoble de Montbrun laisse beaucoup à désirer. L’oïdium et autres maladies le rendent improductif. Aujourd’hui le rendement est inférieur aux besoins de la population. Pour combattre cette situation déplorable, l’on ne veut même pas employer le soufre et les engrais chimiques. Toute théorie à cet égard demeure stérile devant les préjugés de nos agrico-viticulteurs. Ils apprendront sans doute qu’ils ont tort et que la science à raison. Malheureusement ce sera à leurs dépens.

Le phylloxéra n’y est pas apparent. Cependant, d’après un vigneron de Lézignan, il serait ici comme il est dans d’autres endroits. D’après lui, les pluies fréquentes qui fécondent la terre dans notre région montagneuse, empêchent l’insecte de se multiplier. Grâce à cela, les souches conservent une certaine vigueur. Des recherches ont été faites sous mes yeux, et rien n’a révélé l’exactitude de cette conjecture.

Depuis quelques années, on élève beaucoup de bestiaux : boeufs, chevaux, mulets, moutons, porcs et tous les oiseaux de basse-cour connus dans la région. Les fourrages succulents abondant, on peut aisément se livrer à l’élèvevage des bestiaux.

Pendant que les communes environnantes marchaient vers le progrès, Montbrun était dans une misère accablante. Aujourd’hui, c’est une des communes des plus riches de la vallée, c’est celle qui produit le plus de transactions. Si le chemin de fer projeté pouvait se construire, l’on verrait doubler en peu de temps la fortune locale.

J’ai le regret de constater que les voies de communication sont dans un état affreux. L’exploitation agricole se fait au prix de mille fatigues. On ne peut citer de bien viable que le chemin de grande communication n° 34, de St Ybars à St Girons. Tous les chemins faisant partie du réseau subventionné sont dans une situation déplorable. Leur longueur totale s’élève à plus de 20000 mètres. L’on peut à peine compter 5000 mètres de chemin empierré sur cette distance considérable. Les chemins ruraux ont disparu pour faire place à des sentiers.

Je ne comprends pas la cause qui nous tient ainsi stagnants ; pourtant, tout abonde ici ; les matériaux sont nombreux et d’une exploitation facile ; les ressources ne manquent pas non plus, puisque le budget des chemins vicinaux se chiffre par 4000 francs de recettes.

On remarque divers ponts dans la commune. L’un d’eux, le plus ancien, est tout en pierre de taille ; sa voûte forme une anse à panier. Son  origine date de la construction du château. Il a 10 mètres de long sur 3 de large.

La commune de Montbrun est véritablement privilégiée. Si nous n’avons pas les colonnades du Louvre, nous avons du moins la matière première pour les élever. On trouve ici, du marbre blanc veiné de noir, du marbre gris, de la pierre blanche dite de Carcassonne, de la pierre tendre (argile et sable), du calcaire, du grès. Le silex y abonde. Notre calcaire fournit aux carriers-chaufourniers une chaux grasse très prisée.

La commune est dotée de sept moulins à farine, mus par la force de l’eau. Ils servent à moudre le blé de la commune et des villages environnants. Ajoutons à ces usines, une scierie à bois.

Pour nous rendre à Toulouse ou ailleurs, nous avons une diligence, passant tous les matins à Daumazan et y rentrant le soir. Si on ne se rend à l’heure, on est dans l’obligation de voyager à la manière de J.J. Rousseau.

Le superflu de nos récoltes, nos boeufs, nos autres animaux, nos bois, nos toiles, nos matières textiles et nos champignons vont alimenter les marchés et foires de Montesquieu. Nous trouvons chez les marchands et épiciers de la localité, tout ce qui est utile au ménage. Daumazan et Montesquieu nous fournissent ce qui nous manque. Notre village possède six foires par an. Malheureusement, elles n’existent que sur les almanachs. Si elles sont tombées en désuétude, nous le devons à l’incurie et à l’égoïsme de nos gouvernants communaux. Avec du dévouement, ces foires seraient parfaitement tenues, et les gens de la région trouveraient ici des champs de foire très convenables.

On ne connaît ici que les mesures décimales ; les anciennes ont été conservées pour l’évaluation des contenances.

Voici celles qui sont encore en usage :

1° La sétérée, mesure agraire qui équivaut à 33 ares 60 centiares.

2° La pugnérée qui vaut 8 a 40.

3° La mesurée qui égale 4 a 20.

4° Le boisseau dont la contenance s’élève à 1 a 05.

On a encore conservé la canne (1m76) ; la canne carrée ; la canne cube.

 

Titre 4e.

 

Etymologie probable du nom ; histoire municipale, traditions et légendes, biographie sommaire des personnages célèbres nés dans la commune, idiomes, chants.

Moeurs, cultes, costumes, alimentation, monuments.

Archives communales ; documents officiels destinés à établir l’histoire de la commune ; ouvrages, monographies, écrits sur la commune : auteurs, éditeurs.

 Montbrun signifie montagne noire. La tradition rapporte que la ville était autrefois au lieu dit Les Iles, et comptait 100 000 habitants. Cela me semble invraisemblable et tout me fait supposer qu’elle a toujours existé là où elle est actuellement. Son origine remonte aux premières époques de notre histoire. La situation du village fait comprendre qu’il existait avant Louis VI, le Gros. En effet, Montbrun est situé dans la plaine et adossé au château. Il était ainsi placé sous la protection de la garnison du manoir féodal. Il y a cinquante ans, les rues n’étaient que des sentiers ; l’air et la lumière pénétraient difficilement dans les maisons. Cette situation me fait supposer que cette commune existait au moins au VIIIe siècle, et que son unité remonte à l’Affranchissement des communes.

S’il faut en croire la tradition, le paladin Rolland serait venu se délasser des fatigues de la guerre au château de Montbrun. On raconte même qu’en se retirant, il aurait passé la nuit au couvent des Salenques. Quel n’avait pas été son étonnement en retrouvant dans l’abbesse de ce cloître, sa femme dont il était séparé depuis longues années.

Duguesclin lui-même n’aurait pas dédaigné le séjour de Montbrun.

Nous n’avons pas d’hommes célèbres à signaler. Notre commune a eu pourtant de nobles défenseurs, qui ont fidèlement servi la patrie. Le signe des braves brillait sur leur poitrine. Ils ont disparu de la scène du monde.

On parle ici un patois qui n’est point celui de la langue d’oc. Il se rapproche beaucoup de l’Espagnol. L’homme au-dessus de cinquante ans ne chante que les chants propres au pays. C’est un mélange de français et de patois, rimé par nos troubadours.

Les habitants de cette localité se rangent en deux catégories :

1° Hommes au-dessus de 50 ans

2° Hommes au-dessous de 50 ans

Les premiers ne parlent que le patois et se vêtent grossièrement. Ils sont rustiques dans leur langage, dans leurs moeurs, dans leur alimentation. Ils se rapprochent un peu trop des temps primitifs.

Les seconds, se vêtent bien, sont généralement un peu lettrés, parlent convenablement la langue nationale. Le peu d’instruction qu’ils ont reçue a suffi pour les civiliser. On voit ici le contraste de l’homme qui s’est nourri loin de ses semblables, avec celui qui est venu s’asseoir, dans son jeune âge, sur les bancs de l’école. Les rapports d’amitié, que les enfants contractent dans leur jeune âge, se conservent dans l’âge mûr. L’homme lettré est serviable, sociable et humain ; tandis que chez l’homme privé du bienfait de l’instruction, on ne trouve qu’égoïsme et misanthropie.

On se nourrit généralement bien ; le pain de blé a remplacé le pain grossier de maïs. Depuis vingt ans, le progrès accompli, se cote par une proportion de cent pour cent. Dans quelques années, on constatera une progression bien plus frappante encore. Ce sera bientôt du luxe ; luxe dans l’habillement ; luxe dans le logement ; luxe dans l’alimentation. Tout cela sera dû aux bienfaits de l’instruction et à ses progrès.

Il est déplorable que notre laborieuse population soit fanatique au point de croire aveuglément aux sorciers et à la magie de prétendus devins. Cette croyance invétérée, qui tire son origine et son existence du manque d’instruction, cause de nombreux malheurs et la ruine de beaucoup de familles. Ce qui est plus déplorable encore, c’est qu’on trouve des prêtres assez malhonnêtes pour encourager de pareilles croyances.

Espérons toutefois que la lumière triomphera de l’obscurité.

 

                        Monuments.

Nous n’avons point de grandioses monuments à dépeindre ;

Montbrun mérite pourtant quelque attention.

Sur un monticule, à l’est du village, se trouvent les restes imposants d’un château féodal. Les trois-quarts de cette construction sont intacts ; le quart manquant a été démoli à dessein par M. de Lapasse, alors propriétaire du manoir. Le rez-de-chaussée de la partie conservée offre une demeure somptueuse. Au deuxième étage, dans la chambre de la tour occidentale, se trouve intact le lit du seigneur. Les quatre colonnes qui servent de pieds, montent, en s’arc-boutant, de façon à former un beau ciel.

Ce château a été rebâti sur les ruines du premier, par les soins du comte de Foix. C’est dans cette retraite qu’il venait goûter les plaisirs de la chasse et cacher ses orgies.

Lors de la St Barthélemy, les moines du Mas D’Azil trouvèrent un asile assuré au château de Montbrun.

La Révolution l’a respecté, je ne sais pour quelle cause.

Le nouveau propriétaire, M. Miramont, a fait murer les oubliettes, il y a environ six ans. Il a bien fait, car en plein XIXe siècle, des souvenirs de ce genre ne méritent pas d’exister.

Notre église n’est ni belle, ni riche d’architecture. Seules, les quelques arabesques du portail d’entrée, attirent l’attention des archéologues. Le clocher attire les regards des curieux par sa nudité et sa masse informe. C’est un vaste rempart parallélépipédique de quinze mètres de hauteur.

Non loin de l’église, se trouve l’ancien couvent des chevaliers de Malte. L’habitation du supérieur est parfaitement conservée. La charpente est faite avec grand goût. Sur la façade orientale se trouve sculpté un moine avec sa longue robe.

La route qui longe le couvent, se nomme rue des moines.

Le village était fortifié et entouré d’un grand fossé. Deux ponts levis permettaient d’entrer dans la ville et d’en sortir. L’une des portes s’appelait “porte saint Antoine”, l’autre portait le nom de “porte de la Liberté”.

Sur le plateau de Montaut, à 350 mètres d’altitude, se trouve une vaste chapelle dédiée à la Vierge, et célèbre par les prétendus miracles qu’elle y a jadis opérés. Elle avait beaucoup de visiteurs au temps de sa prospérité. Hélas ! qu’est devenu ce temps ? La fontaine est toujours abondante, l’eau y est aussi limpide que jamais, le site aussi escarpé que celui de Lourdes. Pourquoi donc est-elle partie ? Le zèle des habitants s’étant ralenti, leur foi s’étant corrompue, la Vierge errante a transporté ses faveurs ailleurs.

Les archives communales sont assez bien conservées. Elles ne remontent pas très haut, mais j’y ai vu le Livre terrier de 1600, de 1700 et de 1800 jusqu’à l’établissement du cadastre.

L’état civil remonte à 1600. Il est aussi quelques registres des délibérations remontant à 1700.

 

                        Annexe au Titre 4e.

 

Avant 1789, l’instruction était donnée par le vicaire de la paroisse, qui exerçait en même temps les fonctions de régent. Il enseignait la lecture, les préceptes de la religion et à se laisser pressurer par le seigneur et gens d’église, sans protester, sans murmurer. En dédommagement, il était logé et recevait l’usufruit de quelques pièces de terre.

De mémoire d’homme, on ne se rappelle avoir vu que quatre instituteurs : M.M. Goutte, M. Pradé, P. Laurent et Adoue. Avant 1830, l’école était mixte et le régent recevait une rétribution mensuelle de un franc par élève. Peu de parents le payaient, aussi mourait-il de faim les trois quarts du temps. Après 1830, l’instituteur recevait 200 francs de la commune et une rétribution scolaire dont le taux était annuellement fixé par le conseil municipal. L’école était toujours mixte. Après 1850, l’instituteur recevait un traitement de 600 francs.

M. Pradé est resté de 1834 à 1859. En 1859, M. Laurent fut nommé instituteur public à Montbrun ; il recevait 600 francs de traitement. La commune était encore sans institutrice. Telle a été la situation jusqu’en juillet 1871, époque où Mademoiselle Adoue est venue fonder l’école des filles qu’elle a dirigée pendant dix ans.

M. Laurent a quitté la commune à la fin de 1872 et a été remplacé par l’instituteur actuel.

L’institutrice habite une maison louée, l’on paie pour ce mauvais établissement scolaire, la somme de cent quatre vingt francs.

L’instituteur habite la mairie où il dispose de trois chambres et d’une pièce de décharge, le tout en très mauvais état.

La salle d’école est située au rez-de-chaussée, à l’aspect du midi. C’est un trapèze isocèle, ayant 9m,50 de long, sur une largeur moyenne de 3m,75. Sa hauteur égale 2m,86. Elle représente une superficie de 33 mètres carrés et un volume de 96 mètres cubes. D’après le règlement elle conviendrait pour 24 élèves. L’on est cependant obligé d’y en entasser 60. La salle d’école ci-dessus dépeinte est éclairée par quatre fenêtres de 0m,90 de large sur 1m,80 de hauteur, prenant jour par le midi. Comme on le voit, elle ne répond plus aux besoins du service. Le grand nombre d’élèves réunis dans un trop petit espace, nuit à la bonne direction de l’école.

La fréquentation scolaire est aussi régulière qu’on puisse le demander. L’on ne peut exiger de tous les enfants la même ponctualité, attendu que plusieurs font 4, 6, 8 et même 10 kilomètres par jour pour se rendre à l’école et pour retourner dans leurs familles.

L’instruction a fait de grands progrès, mais il reste beaucoup d’indifférents pour qui l’instruction est une superfluité, un agrément incompatible avec l’agriculture. L’instituteur a beau se multiplier, déployer le plus grand zèle, il ne peut arriver à vaincre l’opiniâtreté des paysans que corroborent les dires de quelques ennemis de toute instruction.

Une bibliothèque scolaire a été créée en 1879. Elle compte 46 volumes à prêter aux familles. Elle a annuellement 50 lecteurs.

                        Classe de 1884 :

                          lettrés                                                 8

Conscrits :

                          illettrés                                                4

                        Total                                                    12

                     Etat-civil (Mariages) 1884.

 Conjoints lettrés :

                        Epoux                                                  4

                        Epouses                                               4

                        Total                                                    8

Conjoints illettrés :

                        Epoux                                                  3

                        Epouses                                               3

                        Totaux                                                  6

 La Caisse des écoles n’existe pas, la Caisse d’épargne scolaire n’existe pas non plus, elles seront créées ultérieurement.

L’instituteur jouit d’un traitement de 1300 francs. Sur ce chiffre, la commune fournit 200 francs pris sur le montant des centimes spéciaux.

 Montbrun, le 15 mars 1885. L’instituteur,   ADOUE